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Fondements

Il faut garder en mémoire que les PELO existent depuis 1978 et que la recherche-action visait à répondre aux attentes des divers intervenants à la commission scolaire de Montréal qui souhaitait une mise au point sur les PELO. Dès lors, une nouvelle vision adaptée aux réalités d’une société québécoise en mouvance s’imposait. De là, la proposition du « Projet Héritages » en tant que carrefour linguistique, carrefour culturel et carrefour communautaire en lien avec une conception différenciée de l’apprentissage des langues à des élèves issus de l’immigration, et une redéfinition des rôles des divers intervenants en tant qu’ acteurs sociaux.

En ce sens, le Projet Héritages vise à conjuguer à parts égales le respect de la diversité et les impératifs de l’intégration. Il se veut un programme de rapprochement interculturel, un modèle de soutien qui vise également la réussite éducative de l’élève et l’intégration des parents dans le respect des langues et des cultures d’origine, mais avec une intention ferme de mieux valoriser l’apprentissage du français et la culture francophone en contexte québécois. Il prend racine sur le Plan stratégique : Le défi de la réussite (CSDM, 2005), la Politique interculturelle et la Politique de l’école communautaire (CSDM, 2008 a, 2008 b).

Le projet Héritages considère l’école comme un espace plurilingue, un lieu d’édification des identités et un lieu d’éducation à l’altérité, qu’il s’agit d’actualiser par le développement de nouveaux programmes, la mise en place de nouvelles approches pédagogiques et les interventions pédagogiques visant à créer des liens de communication entre l’école, les parents, les élèves et les divers intervenants.

Les objectifs touchent tant les langues et cultures d’origine, qu’il faut valoriser, que la langue française et la culture québécoises, qu’il faut faire connaître aux élèves et aux parents des communautés immigrantes. Ce sont là des visées ambitieuses, d’autant plus qu’elles ont un but avoué d’intégration des parents et des enfants issus de l’immigration à la communauté d’accueil, à sa langue, à sa culture et à ses valeurs. Il n’est pas toujours aisé de faire cohabiter, au sein d’un même projet, d’une part le linguistique, le culturel et l’interculturel, et, d’autre part les clientèles de jeunes et les adultes, les élèves allophones et les élèves de souche, les parents, la famille et l’école. Le défi est grand, mais essentiel pour servir les besoins de la nouvelle société d’accueil (québécoise). Il mise sur l’implication de l’école, considérée comme un lieu naturel d’intégration à la langue française (carrefour linguistique) et de la culture québécoise (carrefour culturel et interculturel), l’implication des parents dans l’école et de l’école dans la vie communautaire du quartier (carrefour communautaire) en vue d’initier un mieux vivre ensemble à l’intérieur de société d’accueil.                  

Assises du projet
Les assises du projet Héritages reposent sur la place de l’élève en tant qu’apprenant, sur ses parents et sa famille en tant que responsables de son cheminement scolaire, dans un lieu privilégié pour une intégration réussie à la société québécoise, l’école.

L’élève-apprenant et les défis de l’école (carrefour linguistique)

a) Savoir reconnaître les compétences plurilittéraciées des enfants immigrants à l’école, dans leur diversité et de savoir utiliser leur expérience plurielle comme capital linguistique (Moore, 2006).

b) Tenir compte de l’alternance des langues chez les jeunes issus de l’immigration ; chez eux, le recours à la langue d’origine est essentiel. Il ne faut plus sous-estimer les capacités des apprenants à transférer leur maîtrise discursive de la langue première à la langue seconde, principalement au niveau de l’écriture (Castelloti, 2001). 

c) Accorder une place importante au développement de la littératie, principalement chez les élèves présentant des retards d’apprentissage, ce qui leur demande une ré-analyse de leurs connaissances des langues en action et non simplement un transfert linguistique. De telles habiletés de l’élève en tant que scripteur et lecteur sont des composantes fondamentales de l’intégration scolaire et sociale.

d) Reconnaître l’apport des caractéristiques des locuteurs bilingues ou trilingues (Grosjean, 1993). Ils utilisent leur répertoire comme savoir d’appui en plus de participer à la vie d’au moins deux cultures. Généralement, ils savent adapter leur comportement, leurs attitudes, leur langage à un environnement culturel donné. Ils combinent et synthétisent des traits de chacune des deux cultures.
 
e) Privilégier des approches intégrées de l’apprentissage (Candelier, 2005) qui reposent sur une didactique composant avec les langues des élèves ; une intercompréhension entre les langues qui sont apparentées (cf. les langues romanes) ; la mise en place de stratégies de passage interlinguistiques et la prise en compte des relations symboliques entre les langues et les cultures.

f) Favoriser chez les élèves, principalement chez ceux présentant des retards d’apprentissage, le développement des stratégies métacognitives. Ceci est une condition pour assurer le développement des habiletés scolaires et favoriser la socialisation et l’autonomie à l’école (D’Anglejean, Lussier et Dagenais, 1990).


Le milieu familial – parents et enfants (carrefour communautaire)

a) L’implication des parents facilite l’intégration des enfants à l’école.

Dans les familles immigrantes, le noyau familial est un lieu privilégié pour assurer la transmission de la langue et de la culture d’origine. Les liens inter-générations sont très forts puisqu’ils sont essentiels au maintien de l’identité des membres de la famille au sein de la nouvelle société d’accueil. La femme est souvent considérée comme gardienne de la transmission de la langue maternelle et l’élève devient le médiateur entre l’école et la famille. Les liens à créer avec la mère sont donc d’une importance capitale. L’implication de cette dernière dans la vie scolaire et sociale de son enfant ne peut que faciliter son intégration à la vie de l’école.

b) La transmission des valeurs de la culture d’origine : un enjeu pour la famille immigrante

La littératie occupe une place même au sein de la famille. Elle joue un rôle majeur dans le maintien des liens entre les membres d’une même communauté transplantée dans un autre pays. Les parents même s’ils n’ont jamais appris à écrire leur langue d’origine, ont un rapport à l’écrit qui manifeste de fortes valeurs symboliques culturelles et religieuses de leur société, ce qui les amène à inscrire leurs enfants aux divers cours offerts par leur propre communauté. Certaines méthodes utilisées peuvent être minimales. Aussi, lorsque les enfants intègrent l’école régulière, ils sont confrontés aux versions normées de la langue de référence, en particulier à l’écrit (Dabène, 1994). Il se crée des fractures linguistiques et culturelles. Ce décalage entraîne les enseignants à sous-estimer les connaissances et le savoir-faire de ces élèves (Pérez, 1998).

Le milieu social et les communautés ethniques (carrefour culturel et interculturel)

c) Puisqu’il faut déstabiliser les stéréotypes et mettre en réseau les représentations de l’élève sur la langue française et la culture francophone, il convient de repenser l’approche d’enseignement-apprentissage pour intégrer le développement d’une véritable composante (inter)culturelle. 
 
d) Les relations complexes entre les langues subissent les pressions qu’exercent les communautés ethniques dans la construction de l’identité des élèves, d’où l’importance de construire une relation de confiance et d’entraide pour contrer les positions de pouvoir et faciliter les relations entre les diverses communautés ethniques en lien avec la communauté québécoise.
 
e) L’intercompréhension résulte des liens qui unissent les locuteurs-apprenants et du désir de se reconnaître dans la langue de l’autre, d’où l’importance de créer un carrefour communautaire pour faciliter les rencontres des parents de diverses appartenances dans une école considérée comme le milieu social de leurs enfants.

 

Conception de l’enseignement-apprentissage

Pour atteindre les objectifs d’une intégration des élèves immigrants tels que décrits précédemment, il importe de repenser la conception actuelle de l’apprentissage et mettre de l’avant de nouveaux paradigmes de mise en œuvre.

1) L’importance de la place accordée à la langue d’origine des élèves immigrants comme langue de référence vise à faciliter le transfert de leurs compétences dans l’apprentissage du français.

2) Le recours à la langue d’origine rejoint les orientations déjà mises en place pour l’apprentissage d’une langue tierce/internationale.

3) L’apprentissage des langues d’origine se veut un renforcement de l’apprentissage du français d’où l’importance de ne plus rejeter la langue d’origine des élèves mais bien de l’utiliser comme référence pour la progression des apprentissages en français et une meilleure adaptation à une autre culture (Moore, 2006).

4) Construire une nouvelle identité implique pour l’élève des processus de comparaison, de reconnaissance et de différenciation entre sa propre langue et culture d’origine et la langue et la culture de la société d’adoption puisque le ‘soi’. ne s’appréhende que par ses rapports avec les autres (Amireault, 2007).

5) Le développement de la littératie, liée au développement des habiletés cognitives et métacognitives, est une composante fondamentale de l’intégration scolaire et sociale, surtout pour combler le déficit scolaire chez les élèves en difficulté d’apprentissage.
 


Principes qui sous-tendent la démarche pédagogique

À ce stade, il faut inscrire le développement du Projet Héritages : carrefour linguistique, culturel et communautaire dans une cohérence logique, puisqu’il ne s’agit pas d’aligner des pratiques pour accroître les connaissances, changer les comportements et valoriser des attitudes positives visant le respect et l’acceptation des autres cultures (Lussier, 1997).

Le Projet Héritages met l’emphase sur le développement d’habiletés scolaires et le développement cognitif, métacognitif et affectif des élèves avec pour objectif d’aider l’élève immigrant dans son intégration scolaire et sociale et la construction d’une nouvelle identité. Langue et culture deviennent complémentaires du développement de la démarche pédagogique et demandent :
 

a) Une approche globale et intégrative dont la démarche pédagogique est axée sur le développement de la compétence langagière en contextes culturels et interculturels et dont les activités d’apprentissage proposées aux élèves intègrent langues et cultures comprenant des tâches basés sur les intérêts et les besoins des élèves et ce, afin de faciliter leur intégration à la société d’accueil.


b) L’intégration des volets « langue » et « culture » dans la planification de l’enseignement puisque le « culturel » englobe la langue et les représentations sociales, positives et négatives, qui façonnent notre ouverture ou notre rejet des autres cultures.
 

c) La mise en relation des langues /cultures d’origine et la langue/culture cible (le français) au Québec par une analyse sémiolinguistique des textes afin d’aider les élèves à reconnaître, à comprendre, à interpréter et à mettre en rapport les significations, les sens, les connotations culturelles véhiculés par les faits et les documents de civilisation de même que par les interactions sociales contenus dans les documents écrits et oraux.

d) La sélection de thématiques et d’activités d’apprentissage adaptés culturellement, intégrant des éléments linguistiques et interculturels dépassant le stéréotype et les éléments folkloriques, voire même d’apprendre aux élèves comment utiliser la médiation culturelle, linguistiquement et culturellement, dans des situations pouvant générer de l’incompréhension.
 

Méthodologie de la recherche

La méthodologie de la recherche devait tenir compte du mandat confié aux chercheurs par la CSDM en vue de proposer une nouveau cadre de référence pour les PELO. En 2007, les programmes d’études préconisaient spécifiquement les habiletés de réception, de production et d’interaction et impliquent quatre compétences : communiquer oralement ; lire des textes variés ; écrire des textes variés ; apprécier des œuvres littéraires. Pour le nouveau Projet Héritages, le cadre de référence de par ses fondements et ses assises reposent sur l’intégration des volets « langue » et « culture » en tant que carrefour « linguistique » et carrefour « culturel ». Le Projet Héritages retient l’intégration de ces deux volets comme étant un incontournable pour faciliter l’intégration des élèves allophones à la langue française et à la culture d’accueil/québécoise.

Dans le but d’assurer une compréhension univoque des objectifs poursuivis et des modalités d’intervention du Projet Héritages dans ses trois dimensions (linguistique, culturel et communautaire), l’élaboration d’un cadre conceptuel de travail s’imposait. En ce sens, le Projet Héritages devient un référentiel pour les divers intervenants en éducation aux langues avec pour objectif de faciliter leur compréhension même s’ils oeuvrent dans à des niveaux ou des milieux différents. Il sert également de cadre théorique et limite la subjectivité de l’interprétation des concepts et des interventions pédagogiques. Dans le cas présent, il délimite le développement des volets « langue » et « culture ».
 

a) Le développement du volet « langue » vise la compétence langagière des élèves allophones. Elle implique des savoirs spécifiques sur la langue elle-même et l’acquisition des compétences langagières en situations réelles de communication. Les savoirs spécifiques sur la langue doivent toucher les notions de vocabulaire (à l’oral et à l’écrit), les notions de grammaire de la phrase (à l’oral et à l’écrit), les notions de grammaire du texte (à l’oral et à l’écrit), les notions sur les types de textes, les notions élémentaires de phonétique, les notions de calligraphie relative à la langue enseignée. Les compétences langagières ont pour assises les modèles canadien (Canale et Swain, 1980), américain (Bachman, 1999) et européen (CECRL, 2000). Elles impliquent la compétence pragmatique, la compétence linguistique, la compétence sociolinguistique, la compétence discursive/textuelle.

-Dans les habiletés de médiation, le locuteur tend à ne pas exprimer ses intentions de communication propres : il joue un rôle d’intermédiaire entre des interlocuteurs qui ne sont pas en mesure de se comprendre. On distingue la médiation orale et la médiation écrite.

b) Le développement du volet « culture » vient se greffer à une compétence plus englobante que l’on définit comme une « compétence (inter)culturelle ». Le but ultime de l’enseignement d’une « compétence de communication interculturelle » est de former de nouvelles générations de jeunes de tout groupe ethnique qui développent une meilleure conscientisation de leur propre culture et de celle des autres cultures basée sur le respect mutuel. Avec la mobilité des populations et les difficultés qu’engendrent l’intégration à une société d’accueil, il se crée des frontières culturelles et des frontières religieuses alors qu’il faudrait apprendre à s’ouvrir aux autres cultures et à la diversité pour mieux vivre ensemble. Il faut donc comprendre d’autres modes de pensée, de croyances et de comportements. Nous touchons au développement d’une compétence de communication interculturelle qui intègre la culture dite de civilisation avec un grand « C » et la culture avec un petit « c » lié aux us et coutumes de la vie quotidienne. Il semble donc que pour mieux comprendre une autre culture en tant qu’autre culture, il importe de prendre en considération la découverte de la spécificité culturelle de l’Autre. On ne peut donc pas aborder la dimension culturelle sans aborder l’interculturalisme.

« L’éducation interculturelle vise à former des élèves capables d’apprécier les diverses cultures qui se côtoient dans une société multiculturelle, et donc d’accepter d’évoluer au contact de ces cultures pour que cette diversité devienne un élément positif, enrichissant la vie culturelle, sociale et économique du milieu » (MEQ, 1985, p.141). Pour ce faire, l’école doit amener les élèves à transcender les particularismes, à favoriser la découverte des similitudes et l’acceptation des différences et à valoriser les attitudes positives. Il faut donc savoir comment agir sur les comportements et les attitudes. Comme les changements de comportements et d’attitudes requièrent beaucoup de temps, il faut agir tôt auprès des jeunes qui formeront les nouvelles générations.

Il semble que, très souvent, l’éducation à la diversité culturelle se limite à la compréhension des éléments superficiels des représentations culturelles telles que les stéréotypes, les artefacts et les aspects folkloriques. Or, il importe de dépasser ce stade. Communiquer dans une langue n’est pas un acte neutre. La langue est le véhicule principal de la culture. La relation langue, pensée et culture semble donc constituer la pierre angulaire d’une démarche essentielle en enseignement / apprentissage des langues (Lussier, 2009c, 2009d).

Développer une « compétence de communication interculturelle » (Lussier, 1997 ; 2009a, b, c, d) implique que nous entrions dans le champ de l’affectif et du psychologique. Pour les enseignants, les interrogations ne portent pas sur le « Pourquoi enseigner la compétence interculturelle ? » ou le « Quoi enseigner ? ». Elles relèvent du « Comment l’enseigner ? » (Lussier, Auger, Urbanicova et al., 2003). Aussi, il faut se demander comment modifier l’enseignement des langues et les interventions pédagogiques pour intégrer le développement de la « compétence linguistique » au développement de la « compétence interculturelle ». C’est donc dire que nous devons créer des situations d’apprentissage permettant aux élèves d’interagir socialement dans des situations (inter)culturelles. En ce sens, il faut développer des prises de conscience graduelles susceptibles d’induire un changement chez les élèves dans leur quête de socialisation et de leur construction identitaire. Il importe également d’entrevoir la « langue » comme intimement liée au développement des représentations culturelles de l’apprenant. Un tel développement implique donc l’apprentissage de « savoirs », de « savoir-faire » et de « savoir-être » (Lussier, 1997 ; 2009).
 

Personnes consultées
Le Plan stratégique : Le défi de la réussite (CSDM, 2005) de la CSDM ne peut se réaliser qu’avec la contribution de chacune des personnes oeuvrant en milieu scolaire, qu’il s’agisse du personnel administratif et technique, des enseignants, des intervenants sociaux, ou des partenaires communautaires qui suivent la progression des apprentissages des élèves comme le font les parents dans le cheminement scolaire de leur enfant. L’intention est claire : toutes les personnes qui interviennent en milieu scolaire à la CSDM sont des passeurs culturels.

L’équipe-école, notamment la direction de l’école, l’enseignant titulaire et les enseignants de langues, a un rôle déterminant à jouer pour créer un climat favorable aux apprentissages scolaires, et plus particulièrement aux interactions sociales qui se déroulent à l’intérieur de l’école. Les élèves immigrants sont les premiers concernés par l’apprentissage de leur langue d’origine. La prise en compte de leurs acquis expérientiels doit être considérée comme un atout pour le développement de stratégies dans le transfert des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être. Les parents sont les interlocuteurs naturels et essentiels de l’équipe-école, d’où la nécessité de les impliquer dans la progression des apprentissages de leur enfant et dans son parcours scolaire et parascolaire. Les divers intervenants, école et communauté, sont également interpelés dans la démarche d’intégration des élèves tout comme dans celle des parents immigrants. Les organismes communautaires, les partenaires du milieu, les administrateurs et l’ensemble du personnel ont tous une responsabilité partagée tant comme passeurs culturels que comme médiateurs culturels dans des situations de malentendus, de tensions, voire même de conflits. Il faut donc que l’école, lieu de contact de la pluralité des langues et des cultures, lieu naturel d’intégration à la langue française et à la culture francophone/québécoise, s’associe avec les divers intervenants et partenaires communautaires pour assurer la réussite des apprentissages et favoriser un mieux vivre sociétal. 
 

Cueillette des données sur le PELO auprès des divers intervenants
La CDSM a jugé nécessaire en janvier et février 2009 de réunir les divers intervenants qui oeuvrent en milieu scolaire afin de bien définir les nouvelles problématiques liées à l’enseignement des programmes PELO dans le contexte actuel de l’arrivée massive de nouveaux immigrants, très souvent issus de pays, de langues et de cultures peu représentés jusqu’à maintenant dans la région de Montréal. Ces journées de discussion ont été suivies de sessions d’observation en salle de classe par les chercheurs

Groupes de discussion

Plusieurs groupes de discussions ont accepté de partager avec les chercheurs leurs interrogations et leurs suggestions pour repenser les programmes d’intégration des immigrants en fonction des nouvelles clientèles et de la société d’accueil. 

a) Rencontre avec les enseignants du secteur régulier, le 8 janvier 2009

Certains enseignants ont soulevé l’exigence de comprendre le développement des compétences (inter)culturelles) et de l’intégrer à l’apprentissage des langues. Ils s’interrogent sur leur rôle en tant que passeur culturel, mais il leur semble difficile de cerner ce qu’englobe la compétence culturelle et la compétence interculturelle.

b) Rencontre avec des commissaires des réseaux Centre et Ouest, des conseillers pédagogiques et des travailleurs sociaux, le 9 janvier 2009

Les témoignages reçus sur leur vision et sur leur perception de la compétence (inter)culturelle portent principalement sur l’importance de considérer chaque individu comme un être humain et d’aller à la rencontre de l’autre pour saisir ses attitudes ; la nécessité de prioriser la perception des ressemblances et d’aller au-delà des préjugés pour comprendre l’autre. Ils insistent également sur le rôle de passeur interculturel pour l’ensemble des intervenants scolaires (responsabilité partagée tant par le personnel que par les enseignants)..

c) Rencontre avec les Directions des écoles, le 2 février 2009

Les responsables de la CSDM ont présenté le PELO comme Mesure adaptée de soutien linguistique. Pour la CSDM, la réussite éducative passe par le biais d’une telle mesure et, par conséquent, il importerait de recommander une enveloppe différente pour le financement de cette mesure.

d) Rencontre avec les Directions des Réseaux, le 4 février 2009

La question était de savoir comment se vivait l’interculturel dans les écoles. La réponse est qu’elle se manifeste de multiples façons

Observations en salle de classe

Les chercheures ont fait des observations dans trois milieux PELO du préscolaire-primaire, soit une école où on enseigne le mandarin, une autre où on enseigne l’arabe et une troisième où on enseigne le bengla en préscolaire, cette dernière seule étant sous forme de PELO intégré. Nous avons remarqué que le travail de collaboration entre l’enseignante régulière et la spécialiste de bengla était favorisé par le fait que, au préscolaire, les programmes sont ouverts et non directifs. De plus, ces deux personnes se tiennent mutuellement au courant de leurs préparations de classe, l’assistante de bengla moulant sa propre préparation sur celle de la titulaire de la classe. Les enfants originaires du Bengladesh bénéficiaient du support linguistique de l’assistante en bengla, en plus de se reconnaître en elle (support identitaire). On nous a dit que ce fonctionnement en tandem durant les heures de classe permettait de récupérer les enfants présentant de légères difficultés d’apprentissage, ce que nous n’avons pu vérifier. 

Recommandations

Lors des rencontres, les divers groupes de discussion ont demandé le renforcement de la collaboration des divers paliers d’intervenants qui oeuvrent auprès de la population immigrante de la CSDM. Les commentaires recueillis, enrichis des apports de la recherche, sont regroupés en termes de recommandations d’ordre administratif et pédagogique.

En ce qui concerne l’école en tant que lieu d’intégration naturel à la société québécoise, il importe de gérer le PELO dans un continuum de services accueil-régulier, élèves-parents-famille, et école-communautés ; de tisser les liens entre les divers paliers d’intervenants ; de prioriser la francisation des parents dans l’école que fréquentent leurs enfants. En ce qui concerne les programmes PELO, il s’agit d’enrichir ou remplacer le PELO intégré, tel que mis en place au secondaire, par le PELO-MASLIC du Projet Héritages ; faciliter l’intégration dans les cours des langues d’origine d’un tiers d’élèves non locuteurs (33%) pour faciliter le rapprochement interculturel et stimuler les élèves ; intégrer à la grille horaire les cours des programmes des langues d’origine en prenant exemple sur ce qui se fait en milieu scolaire anglophone. En ce qui concerne la formation,  pour les enseignants des PELO, elle doit intégrer la formation à une démarche pédagogique intégrative des volets « langue/culture » d’une part et du français/langue d’origine d’autre part ; pour les enseignants du secteur régulier, elle demande une formation continue aux démarches pédagogiques sous-jacentes aux différents programmes PELO, telles que la pédagogie intégrative, l’apport des langues et des cultures d’origine dans l’apprentissage du français et l’adoption de la culture francophone/québécoise. En ce qui concerne l’évaluation des apprentissages en termes de reconnaissance des apprentissages, il faut amener le MELS à accorder des unités créditables pour le nouveau programme PELO de langues et cultures s’ils respectent les objectifs de la réforme pédagogique, au même titre que pour les langues tierces ; fournir aux parents une forme d’attestation de la réussite des apprentissages de leur enfant, soit au bulletin scolaire, soit dans un document à part ;

Du point de vue pédagogique, les recommandations ont des répercussions sur le développement des programmes, la conception de l’enseignement/apprentissage des élèves allophones, la planification des unités d’enseignement/apprentissage, les pratiques d’intervention en classe, de même que sur l’évaluation du développement des compétences des volets « langue » et « culture ».

En ce qui concerne les personnes impliquées au sein de la CSDM, il importe d’assurer la diffusion et l’actualisation continue des objectifs du Projet Héritages, qui vise le rapprochement interculturel entre les francophones et les allophones dans une perspective d’éducation à la citoyenneté et d’un mieux-vivre ensemble. En ce qui concerne les programmes d’études, il faut développer de nouveaux PELO en lien avec les objectifs du Projet Héritages, créer des programmes spécifiques pour les cours de francisation aux parents qui prennent en considération les apprentissages des élèves et les compétences des volets « langue » et « culture ». En ce qui concerne la formation des enseignants, il faut initier tous les enseignants concernés au développement d’une compétence interculturelle, former les enseignants du secteur régulier aux difficultés d’apprentissage des élèves allophones dues aux interférences entre les langues d’origine et la langue d’enseignement. En ce qui concerne les aspects pédagogiques de l’enseignement, il faudrait conscientiser tous les intervenants à leur rôle de passeur culturel ; fournir des applications pédagogiques à partir de réalisations concrètes où les deux cultures – culture d’origine et culture québécoise, créer un site Internet portant sur les activités culturelles significatives à partir de projets, de thèmes et de situations interculturelles développés par les divers intervenants ; et finalement responsabiliser l’enfant dans ses apprentissages pour favoriser la réussite scolaire. En ce qui concerne l’institution scolaire, il faut prendre en main l’application le cadre commun de référence pour l’enseignement/apprentissage des volets « langue » et « culture », tel que proposé dans le Projet Héritages en tant que carrefour linguistique, culturel et communautaire ; redéfinir la place et le rôle des parents, issus de l’immigration, pour assurer une participation plus active à la vie de l’école ; redynamiser le rôle des agents de milieu en leur demandant d’insister davantage sur la mise sur pied de projets école-famille-communauté.

Pour les chercheures il devenait évident que le PELO devait s’ajuster aux nouvelles clientèles de la CSDM en vue de faciliter leur intégration à la société d’accueil. En retour, la CSDM devait se doter de programmes qui permettent la cohabitation des sociétés d’accueil et des sociétés ethniques en quête d’une nouvelle construction identitaire réussie. Trois recommandations s’imposent :

Adopter une nouvelle démarche pédagogique pour les PELO

La démarche pédagogique du Projet Héritages, en tant que carrefour linguistique, carrefour culturel et carrefour communautaire, a pour fondement et assise le cadre commun de référence présenté précédemment. Elle intègre les volets « langue » et « culture » dans une même approche éducative et devrait servir de toile de fond pour la planification de l’enseignement renouvelé des langues/cultures.
 
 Prototype d’une démarche basée sur une pédagogie intégrative des volets « langue » et « culture » pour le programme PELO-MASLIC (Mesure Adaptée de Soutien Linguistique et Culturel)

  Volet « langue » Volet « culture » Approche pédagogique
Buts visés Assurer la progression des apprentissages en français des élèves issus de l’immigration ayant des difficultés liées à l’apprentissage du français  Développer une compétence de communication inter-culturelle pour une meilleure intégration des élèves allophones à leur milieu scolaire et à la société québécoise Adopter une pédagogie intégrative pour un meilleur développement intellectuel des élèves allophones et
l’apprentissage de la langue d’enseignement
Compétences à développer 1) Compétence pragmatique
2) Compétence linguistique
3) Compétence socio- 
 linguistique
4) Compétence discursive 
1) des « savoirs »
2) des savoir-faire
3) des savoir-être
1) Apprentissage de la langue décontextualisée par les références aux matières scolaires dans le cursus de l’élève :
Au primaire
- Mathématiques,
- Sciences humaines
- Sciences de la nature
Au secondaire :
- Mathématiques
- Histoire et Géographie

2) Apprentissage de la littératie

3) Développement des stratégies :
 - cognitives 
 - métacognitives
 - affectives

Sources .Programme de français, langue d’enseignement
.Programmes des classes d’accueil
.Programme PELO
Cadre commun de référence du développement de la
compétence de 
communication interculturelle
Programmes d’études de - Mathématiques
- Sciences de la nature
- Sciences humaines
Évaluation des
apprentissages
1) En situation de classe :
 - Observation
 - Auto-évaluation
 - Feuille de route
 - Portfolio

2) Tests de rendement
 en français

 

En situation de classe :
- Observation
- Auto-évaluation
- Feuille de route
- Portfolio
En situation de classe :
- Observation
- Auto-évaluation
- Feuille de route
- Portfolio

Adopter une nouvelle structure administrative pour les PELO

Si nous acceptons les diverses orientations mises de l’avant, il devient nécessaire de repenser le cursus scolaire, les programmes d’études et les formules pour intégrer en milieu scolaire les populations cibles adultes et jeunes, enfants et parents.

Il existe présentement deux structures soumises à deux instances différentes et ayant des visées tout aussi différentes. La structure scolaire est celle qui est sous la responsabilité de la CSDM et pour laquelle nous proposons une nouvelle structure administrative. La structure communautaire relève des communautés ethniques, qui désirent offrir des programmes de langues d’origine au sein de leur communauté en fonction de leurs besoins et dans des contextes spécifiques à leur communauté.

  Structure du Projet Héritages

 Assises
Politique interculturelle (2008a) ; Politique de l’école communautaire (2008c)
et Politique culturelle et de langue (2008d) de la CSDM


 

Carrefour linguistique, culturel et communautaire
 Intégration des volets « langue », « culture » et « francisation »


 

CSDM PARTENARIATS
PELO 
programme actuel)

Programme d’enseignement des langues d’origine

PELO : langues et cultures (nouveau programme) **

Programme d’enseignement des langues et cultures d’origine
 

PELO-MASLIC
(cf. PELO intégré)


Serait une mesure adaptée de soutien linguistique et culturel
 

Programme de Francisation des parents  PLE
Projets communautaires

Projets en partenariat :
école/ communauté

 

Est offert aux élèves allophones des classes régulières (2/3) ou de la
culture majoritaire (1/3)
Serait offert à tous les élèves (non locuteurs et de cultures différentes) des classes régulières qui ne connaissent pas la langue et la culture enseignée Serait offert aux élèves des classes régulières et d’accueil qui éprouvent des difficultés d’apprentissage et d’intégration Est offert aux parents allophones qui ne maîtrisent pas le français  Est offert à tous les élèves, qu’ils soient inscrits à la FGJ ou à la FGA, et à leurs familles
Fait appel à :
• des enseignants PELO
Fait appel à :
• des enseignants PELO
Fait appel à :
• des enseignants PELO
• des titulaires
• équipe-école
Fait appel à :
• des enseignants en francisation de la FGA
• des équipes-écoles (FGJ et FGA)
Fait appel à :
• des organismes communautaires (spécifiques à une communauté ou à une clientèle particulière)
• des comités de quartiers
partenaires de toutes sortes (municipal, local, etc.)
PRIMAIRE
• Préscolaire
• 1er cycle
• 2e cycle
• 3e cycle
  PRIMAIRE
• Préscolaire
• 1er cycle
• 2e cycle
• 3e cycle
PRIMAIRE
• Préscolaire
• 1er cycle
• 2e cycle
• 3e cycle
 
SECONDAIRE
• 1er cycle
• 2e cycle

Programme qui devrait offrir des crédits aux élèves qui y sont inscrits
 

SECONDAIRE
• 1er cycle
• 2e cycle

* Programme qui devrait accorder des crédits aux élèves qui y sont inscrits au même titre que le Programme des langues tierces
 

SECONDAIRE
• 1er cycle
• 2e cycle
SECONDAIRE
• 1er cycle
• 2e cycle




Certains programmes qui
offrent des crédits aux élèves qui y sont inscrits
Activités qui se déroulent à l’école

 

Activités qui se déroulent à l’extérieur des heures de classe sur l’heure du dîner ou en fin d’après-midi

Elles pourraient éventuellement être intégrées à la grille horaire
 

Activités qui se déroulent à l’école

 

Activités qui
Devraient être intégrées à la grille horaire

Activités qui se déroulent à l’école

 

Activités qui se déroulent à l’intérieur des heures de classe

Activités qui se déroulent à l’école des enfants, au centre de francisation ou à l’extérieur

Activités qui se déroulent à l’intérieur ou à l’extérieur des heures de classe
et /ou en fin de semaine

 

Activités qui se déroulent à l’école des enfants, au centre de francisation ou dans les locaux du PLE

Activités qui se déroulent à l’extérieur des heures de classe
 

**Il ne faut pas confondre « Langues et cultures » du nouveau PELO avec le Programme des langues tierces

Privilégier de nouvelles orientations

Les chercheures ont également présenté les orientations qui devraient être privilégiées à ce jour et les raisons qui justifient de tels choix (Lussier & Lebrun, 2009 ; 2014).

Orientation 1 : Travailler en amont
a) sensibiliser les enfants le plus rapidement possible aux autres cultures et aux autres langues en ciblant les clientèles du préscolaire, du primaire et de l’accueil.
b) initier les parents à la culture de l’école et au milieu scolaire dès le début des apprentissages de leur enfant afin de les impliquer dans le cheminement scolaire de celui-ci le plus rapidement possible.
Orientation 2 : Reconnaître la valeur des langues et des cultures d’origine dans l’apprentissage de la langue cible (l’enseignement du français) pour contrer une insécurité linguistique, un sentiment de discrimination, une baisse de l’estime de soi, ainsi que par des difficultés à transférer des acquis cognitifs et langagiers d’une langue à l’autre (Cummins, 2000 : Armand, Dagenais et Nicollin, 2008).
Orientation 3 : Dépasser le « culturel » pour apprivoiser l’ « interculturel en facilitant les interactions entre des interlocuteurs de diverses langues et de diverses cultures et par l’accessibilité des élèves du secteur régulier aux cours offerts aux allophones.
Orientation 4 : Repenser le cursus scolaire, les programmes et l’horaire pour intégrer les cours du PELO dans l’horaire régulier des cours.

Au terme de cette étude, il importe de s’interroger sur les enjeux et défis du Projet Héritages en termes des modalités de fonctionnement et des conditions de réussite que suscitent la mise en relation et l’implication de l’équipe-école, des parents et des communautés ethniques en tant que partenaires et collaborateurs devant relever le défi de la réussite des élèves. 

Du point de vue administratif, l’école a toujours su composer avec les élèves, puisque ceux-ci sont omniprésents. Par contre, l’implication des parents est plus récente et trop souvent limitée aux personnes qui siègent au Conseil de l’établissement. Du point de vue pédagogique, le défi relève de la formation des enseignants du PELO pour établir les liens entre langue et culture d’origine d’une part et langue française et culture d’accueil, d’autre part sans oublier l’implication des enseignants du secteur régulier pour assurer la complémentarité de l’enseignement-apprentissage.

En conclusion, le Projet Héritages, en tant que carrefour linguistique, culturel et communautaire, rejoint les besoins et les attentes des divers intervenants des programmes des langues d’origine offerts en milieu scolaire. Celui-ci devrait avoir des retombées positives au niveau de l’apprentissage du français (carrefour linguistique), du développement de la compétence interculturelle (carrefour culturel) et de l’intégration des allophones, jeunes et adultes, à la communauté québécoise (carrefour communautaire). Les retombées pédagogiques et sociales souhaitées portent plus spécifiquement sur les considérations du Projet Héritages en tant que : 

Carrefour linguistique : une intégration à la langue d’accueil

L’intégration linguistique des immigrants à la communauté d’accueil se fait davantage sur le moyen et le long terme. Il est nécessaire que tous les intervenants de l’institution adoptent une attitude de tolérance à l’endroit des apprenants, élèves et adultes, qui sont en situation d’insertion linguistique et sociale. Il convient également de les habiliter à utiliser la langue de la société d’accueil dans leurs échanges et dans leurs apprentissages sans pour autant réduire l’importance de leur langue d’origine.

Carrefour culturel : le respect de la diversité

De plus en plus, l’école se doit d’être une institution favorisant la cohésion sociale et la promotion des valeurs et des attitudes positives entre la société d’accueil (québécoise ou autre) et les communautés d’origine diverses à un moment où la culture tend à devenir une simple denrée parmi tant d’autres sur les marchés mondiaux. Le défi ne relève pas uniquement de l’intégration des élèves et des parents allophones mais tout autant de l’ouverture des francophones aux autres cultures. Chacun doit d’abord prendre conscience de sa culture et de la relativité de celle-ci ; s’efforcer de rendre conscients ses comportements culturels ; développer de la vigilance par rapport à ses propres préjugés et stéréotypes, ses propres attitudes ethnocentriques et racistes. Il faut arriver à voir l’autre pour lui-même et à entrer dans son monde et dans ses façons de voir la vie ; être prêt à concevoir de nouveaux modes de vie, de pensée, de croyances et de valeurs et faciliter une meilleure compréhension réciproque.

Carrefour communautaire : l’école, un lieu d’intégration

Le défi est désormais de faire de l’école un lieu naturel d’intégration des jeunes et des adultes de diverses cultures et de susciter les interactions sociales, culturelles et autres entre l’école et les communautés qui la composent. Ceci demande l’implication tant de la communauté d’accueil, i.e. des francophones, que des communautés ethniques. Tous sont des passeurs culturels avec la responsabilité sociale d’édifier le mieux vivre ensemble dans le contexte de la société d’accueil